Adeline

À peine apparue, je cherchais la femme du regard. Elle était en train de saluer Novan. En me voyant, mon camarade s’avança vers moi. Il me sourit, visiblement soulagé :

‒ Tu es enfin là ! Je commençais à me faire du souci. J’ai cru que tu ne viendrais plus.

‒ Je suis là.

‒ Oui, et Ria aussi va être contente. Je ne pensais pas que tu ramènerais Adeline.

La femme sourit :

‒ Je ne pensais pas venir ici aujourd’hui, mais comme Morgane n’est pas là.

‒ Oui, et elle ne rentrera pas avant un moment. Ta chambre est toujours là, se risqua-t-il.

‒ Merci pour l’offre, mais je ne suis pas sûre de rester longtemps.

‒ Fais comme tu veux, lui sourit-il.

La blonde parla :

‒ Alors Machin, toujours la forme ?

‒ Toujours la forme. Qu’est-ce que tu fais ici ?

‒ Je me balade. Je voudrais m’entraîner avec Pat.

Surprise, je ne réagis pas, elle se tourna vers moi, me faisant un clin d’œil :

‒ Elle s’est mêlée de mes affaires, et je compte régler ça.

Je la suivis à la salle d’entraînement, où on retrouva Ria. Je n’avais pas vraiment envie de me battre avec Adeline, connaissant son niveau. Les muscles dans mon dos se préparèrent déjà à recevoir des coups.

L’elfe acheva son vol plané et nous regarda. Sa chorégraphie d’entraînement ressemblait parfois à un spectacle de voltige. Elle me sourit timidement, avant de foudroyer du regard Adeline.

‒ Qu’est-ce tu viens faire ici toi ?

L’amertume dans sa voix me surprit.

‒ Contente de te revoir aussi l’asperge. Je viens défier amicalement Pat.

‒ Pat ?

Elle me regarda interrogative :

‒ Non, je ne crois pas vieille bique.

‒ Mais je ne te demande pas ton avis, vire tes fesses de là brindille !

Sans rien ajouter, à mon grand étonnement, Ria rejoignit Novan au bord du tapis. L’elfe croisa les bras et attendit. Adeline se tourna vers moi après avoir posé sa grande épée avant de se diriger vers l’étagère au mur :

‒ Bon, tu choisis quoi comme arme ?

‒ Une épée.

‒ On va rire, railla-t-elle en m’en envoyant une.

À vrai dire, elle aurait dû dire « je vais rire ». À peine les épées non aiguisées en notre possession, elle me fonça dessus avec un hurlement à crever les tympans. Les coups s’enchaînèrent. J’essayai de parer, mais elle était si rapide que je ne vis pas à quoi cela servait.

Au moment où j’arrêtai de réfléchir, je vis que sa jambe droite n’était pas protégée. Sans attendre, je m’y précipitai. Elle esquiva difficilement mon coup et j’entrevis une nouvelle ouverture. Mais cette fois, manquant d’équilibre, elle para et me fit tomber.

Pendant que je me relevai, Adeline alla ranger les armes. Je l’observai, surprise. Elle m’indiqua :

‒ Chez moi, quand tu tombes, t’es morte.

Novan s’approcha de moi, mon adrénaline encore haute, j’essayais de retrouver mon calme. Il m’indiqua tout bas :

‒ Tu l’as impressionnée !

‒ Ah bon, j’ai du mal à te croire.

‒ Pourtant tu devrais. Rares sont les personnes à tenir aussi longtemps face à elle.

Patricia _ Tome 1 _ Entre deux vies ; chapitre : Samedi 15 février 

Ceux qui t’ont le plus marqué, en bien comme en mauvais.

Je dirais que même si je n’apprécie pas Morgane, elle m’a quand même permis de découvrir Ynuos. C’est aussi grâce à elle que j’ai pu rencontrer Izi et Novan. Bon, Ria aussi, mais elle, j’aurais pu m’en passer. Alice était une gamine très intéressante et Guy était très dévoué et d’une rare douceur, il nous a permis de tenir même quand les temps étaient très durs. Il s’est occupé de nous, il a essayé de nous donner un semblant de normalité le plus longtemps possible. Il a été un véritable père pour Diane.

Tu avais une relation un peu particulière avec Izidore.

Pas forcément, nous étions de vraies amies.

Comment tu as vécu le fait que Patricia décide de rester endormie ?

Très mal, au début je n’arrivais pas à comprendre comment elle pouvait être aussi stupide. Puis Izi et Guy m’ont expliqué que pour rester consciente, il fallait que Diane use beaucoup de son pouvoir, et vu son efficacité sur les champs de bataille, j’ai vite compris.

Tu t'es beaucoup battu au côté de Diane ?

Oui, il faut dire que c’est une guerrière acharnée, et je la comprends, elle a été créée par Balth et n’a connu que Titanus durant le début de sa vie. Elle a survécu seule dans un environnement supra toxique.

Tu l’as vu rejoindre Novan ?

Oui, c’était une bonne chose, Novan avait besoin de quelqu’un de fort avec lui, même si à ce moment-là, Diane était brisée par la perte de Guy, Novan a pu l’aider à tenir. Ils se sont portés l’un l’autre. Il faut dire que c’étaient les plus touchés par l’absence de Pat, cela leur faisait un point commun.

Pourtant, ils ne l'ont pas beaucoup côtoyée avant qu'elle ne reste endormie.

C’est exact, mais sans aller dans l’extrême, Novan avait flashé sur elle et ils s’étaient côtoyés plusieurs mois, et pour Diane, c’est sa sauveuse, la première personne a la considérer simplement comme une être humaine et qui ne lui voulait que du bien. Cela compte toujours.

C’est vrai. Un peu comme toi et Izi ?

Non, cela n’a rien à voir.

Tu peux nous parler de votre rencontre.

Je m’étais disputée avec Morgane, comme Patricia, sauf que je suis partie, je ne supportais pas d’être un pion. Je voulais des réponses à mes questions. Je suis allée à la cité d’Eroknes. Ils connaissaient les méthodes de Morgane et après quelques tests, ils m’ont acceptée parmi eux. Un jour, alors qu’on fouinait chez Balth, on est tombé sur un bataillon de Rikmore. Ils ont accepté que je rencontre Izi, il faut dire qu’on avait remporté quelques batailles contre Balth. On a fait connaissance et elle m’a assigné Guy. Comme mon caractère lui a plu, j’ai pu faire l’ambassadrice d’Eroknes à Rikmore et nous avons travaillé ensemble pendant longtemps.

Tu es toujours restée ambassadrice d’Eroknes ?

Oui, même si la diplomatie n’était pas mon fort, chose qu’Izi a réussi à m’apprendre, j’ai prouvé ma valeur au combat, et je suis restée fidèle à cette cité qui a toujours été mon refuge. J’étais l’une des commandantes principales et la dernière restante en vie. J’ai obtenu ma place grâce au respect de nos règles et de nos coutumes. Je suis devenue une habitante d’Eroknes.

Rikmore ne te convenait pas ?

Non. J’aime énormément Izi, mais pas son pays. Nous pouvions nous côtoyer malgré cela, simplement parce que nous étions des alliés de guerre. On savait que notre amitié ne pouvait pas rapprocher plus nos pays, ils étaient aussi différents que nos caractères et nous avons bien vu avec la perte de Guy que nos réactions et nos convictions profondes étaient trop éloignées.

On ne te voit pas utiliser ta magie...

C’est normal, comme Patricia ma magie ne touche que moi. Elle me protège des attaques magiques. C’est pour cela que Balth n’a pas pu jouer avec moi comme avec les autres et comme ce n’était pas intéressant pour lui, il m’a laissée tranquille.

D’une certaine manière, on peut dire que ton pouvoir t’a protégé de Balth.

Oui.

Pourtant, il s’en est pris à ta famille sur Terre.

Oui. Mais cela n’avait rien à voir avec ma magie. J’ai commandé plusieurs batailles qui ont fait du mal à sa domination, nous avons permis à plusieurs cités comme Onyris de survivre plus longtemps aux attaques de Balth, ce qu’il n’a pas aimé, alors quand il a trouvé ma famille, il l’a massacrée, il croyait me briser ainsi, mais il n’a fait qu'amplifier ma rage contre lui. Je n’avais plus le droit d’arrêter le combat, je devais honorer leur mémoire.

Ta famille savait que tu vivais sur Ynuos ?

Je leur avais fait croire que j’étais partie en mission humanitaire dans un pays en guerre.

C’est vrai que c’est exactement cela!

Oui, je n’ai juste pas dit que la population était sur une autre planète, on faisait déjà attention à l’époque. On ne pensait quand même pas que Balth avait posté autant de monde sur la planète. Mais après coup, ce n’est pas si étonnant, je pense qu’il voulait y retourner pour la conquérir également.

Tu ne regrettais pas la Terre ?

Non, sans hésitation. Entre les souvenirs de ma famille et l’accueil d’Eroknes, Ynuos est devenue ma maison.

Pour toi, c’est normal que les gens amenés sur Ynuos préfèrent de manière générale rester là-bas ?

Pour moi oui, la vie y est plus facile et on a été sélectionné justement parce qu’on avait des valeurs proches et qu’on ne trouvait pas notre place sur Terre. On était trop déphasé.