Frédéric

La petite hutte en pierre était accueillante. Un homme d’âge mûr surveillait le troupeau. Il était brun, les cheveux courts, une barbe lui mangeait les joues. En me voyant, il me sourit et s’approcha de moi.

Fixant son regard brun sur moi, il m’indiqua de sa voix grave :

‒ Je me demandais quand est-ce que tu viendrais.

‒ Me voici.

‒ Viens t’asseoir, nous avons à parler, je crois.

Je suivis la silhouette robuste de l’homme. J’avais du mal à penser qu’il avait un jour été un éminent scientifique. Pourtant, son aura était telle que je me sentais déjà à l’aise. Assise sur une pierre, face à lui, je l’inspectai.

Même si son regard était fixé au mien, je sentais que son troupeau était surveillé, ainsi que les environs. La forêt semblait calme, je ne détectais aucun danger, lui non plus apparemment. Il me regarda, attendant que je prenne la parole. J’avais l’impression d’être face à un professeur, pourtant, il ne m’intimidait pas. Après un moment, à savourer la brise qui nous entourait, je me lançai :

‒ Morgane m’a dit qu’elle avait toujours travaillé pour vous.

‒ C’est exact.

‒ Pourquoi faire venir des gens d’autres planètes ?

Contrairement à ce que je m’attendais, il répondit simplement à la question, sans chercher à fuir mes interrogations.

‒ Eh bien vois-tu, chaque planète a son propre fonctionnement. Je cherche à résoudre ce conflit. Je n’arrive pas à prendre le dessus sur Balth. La seule chose que j’arrive à faire, c’est protéger cette forteresse. J’ai vu toutes les horreurs qu’il a commises par notre faute. Je me sens coupable de ce qui arrive à ces peuples. Je me dois de réparer mon erreur. Mais tout ce que j’ai tenté a échoué. Je me suis dit qu’en sollicitant des personnes d’univers différents, ils m’aideraient peut-être à renverser Balth.

‒ Pourquoi voulez-vous le renverser ?

‒ Je n’ai jamais été en accord avec lui, du coup, ma femme et ma fille ont fait partie du premier groupe qu’il a amené sur sa première expérience. Elles sont mortes en moins de deux minutes. Depuis, je veux me venger.

Son ton était resté calme, comme s’il énonçait de simples faits, ce qui me dérangea un peu. Je demandai :

‒ Et le peuple, qu’en ferez-vous ?

‒ Rien, je ne veux pas un trône si c’est ce que tu demandes. Je veux rendre la liberté aux peuples. Je pense que chaque village devrait se gérer seul.

‒ Comme vous le faite ici ?

Il rit avant de reprendre :

‒ Ici, je ne sers que de protection grâce à ma magie. Le jour où je ne serais plus capable de le faire, ils passeront à autre chose.

‒ Combien de personnes avez-vous fait venir ?

‒ Je ne peux te le révéler, énonça-t-il simplement.

‒ Je comprends.

Comme je n’ajoutai rien, il reprit :

‒ Écoutes, même si je t’ai faite venir, tu ne me dois rien. Je ne l’ai pas fait pour toi. J’ai besoin de l’aide de beaucoup de personnes. Comptes-tu m’offrir la tienne ?

‒ J’ai besoin de plus de réponses.

‒ Pose tes questions, j’ai toute ma journée.

Je souris, c’était bien le premier adulte qui prenait le temps de soulager mes inquiétudes.

Patricia _ Tome 1 _ Entre deux vies  ; chapitre : Mardi 25 mars