Eliot

Le traité de Vinon _ Chapitre 28

"En fait, ils entrèrent dans la bibliothèque privée du souverain. Celui-ci les salua un à un tandis qu’ils entraient dans la pièce.

Au milieu des étagères, la seule lumière naturelle était une petite fenêtre au rideau occultant. La faible luminosité leur permit d’y voir, sans être vu de l’extérieur. Le roi Eliot se méfiait toujours de la surveillance que son épouse appliquait.

Une seule véritable porte permettait de sortir de la salle. Toutes les autres étaient dissimulées derrière des étagères. Eliot avait profité du fait que sa femme ne soit absolument pas attirée par l’architecture pour étudier les anciens plans du palais. Il avait ainsi trouvé cette pièce aux multiples passages secrets oubliés. Adélaïde, la reine, ne connaissait aucun de ces tunnels, ce qui arrangeait bien les affaires de son époux.

Même s’ils s’entendaient bien pour le travail, à son arrivée, le roi avait eu besoin d’un endroit à lui.

‒ Bonjour Suzanne, que puis-je pour toi ?

‒ Je suis désolée de venir vous importuner, mais j’ai trouvé [...].

‒ Et ?

‒ Il y a un problème.

‒ Asseyez-vous.

Les membres du groupe avisèrent les différentes chaises autour de la gigantesque table au centre de la bibliothèque. La pièce devait faire près de cinquante mètres carrés, mais la table tout en longueur prenait beaucoup de place. Le roi avait dû la faire installer pour les après-midi de recherche avec les intellectuels du pays.

Suzanne avait passé de nombreuses journées et nuits dans cette salle avec certains de ses collègues. Elle se plaça à côté du roi qui s’était mis en bout de table, puis elle commença son récit.

Eliot se montra très attentif et ne lui coupa pas une seule fois la parole. À la fin de son récit, il confirma :

‒ [...] Si tes suppositions sont exactes, et malheureusement je sais qu’elles le sont souvent, nous avons un très gros problème. Mais comment connaître les motivations d’Adélaïde."

Pourquoi avoir insisté pour que ce soit Suzanne qui rejoigne l'équipe de recherche du traité de Vinon ?

Tout simplement parce que je savais qu’elle me tiendrait informée des avancées. Quentin ne m’a jamais apprécié et Adélaïde se méfiait déjà de moi.

Depuis combien de temps Adélaïde se méfiait de toi ?

Je dirais depuis toujours. Au départ, elle se forçait à me donner des missions diplomatiques, mais après avoir échoué une seule fois, elle a décidé que je n’étais bon à rien. Comme je passais beaucoup de temps avec les artistes et les bibliothécaires et que cela me tenait loin d’elle, elle a cru bon de me charger, ou plutôt de se décharger de la culture.

C'est à ce moment-là que tu as rencontré Suzanne ?

Oui. Il faut dire que son énergie se remarque à côté des bureaucrates calmes. Elle était bien plus intelligente que la plupart de ses collègues. On a très vite travaillé ensemble, ce qui l’a éloignée d’Adélaïde.

Et Xavier, comment vous êtes vous rencontrés ?

Xavier est un ami d’enfance, contrairement à d’autres familles royales, celle de Vinon ne fait aucun cas de la hiérarchie. Lors d’un voyage là-bas avec mes parents, nous avons rencontré la famille royale sur la plage. Venant de Mornille, cela nous a fait un choc de les voir s’amuser avec leur peuple.

Alors qu'est-ce qui s'est passé pour que tu les trahisses ?

Les trahir... Cela n’a pas été simple, mais avec Théophile nous avions les mêmes affinités pour le pouvoir. Ensemble, on savait qu’on pourrait gouverner nos pays respectifs. Je n’ai pas aimé faire cela à Xavier, il a été mon seul frein. Son frère essayait de nous séparer, il ne m’aimait pas, il avait compris que je voulais plus. Quand il est mort avec sa femme, je me doutais que Xavier viendrait me trouver, en voyant qu’il ne voulait pas monter sur son trône, les choses s’en sont trouvées facilitées.

Et Rachelle ? Comment l'as-tu connue ?

Elle, c’était lors d'un passage à Anouk. Elle est très facilement manipulable et son ambition a servi la mienne.