Olivia

Le traité de Vinon _ Chapitre 26

"En se couchant, Olivia demanda à Gilles :

‒ Comment tu arrives à gérer ? La guerre t’a pris tes deux fils et pourtant, tu es depuis le début du côté de Suzanne.

L’homme déclara :

‒ Je suis le seul père qui a perdu des enfants. Je suis sûr qu’il y a plein d’autres hommes comme moi, des deux camps, qui se retrouvent seuls. Je ne sais pas réellement pourquoi je me suis battu. Et à mon avis, eux non plus.

‒ C’est vrai, mais je te trouve très courageux.

‒ Je ne suis pas courageux, j’essaie juste de me montrer raisonnable dans ce monde de fous. Tous les soldats, qu’importent leurs origines sont des victimes. Franchement, je me fiche de savoir si tel roi s’entend bien avec l’autre. Je trouve simplement que le peuple de Vinon a payé très cher.

‒ Je voudrais raisonner comme toi, mais je n’y arrive pas.

‒ Pourtant, toi aussi tu veux aller à Mornille et comprendre ce qui se passe.

‒ Oui, mais mes motivations sont toutes autres. Je veux savoir ce qu’il s’est réellement passé. Pourquoi cette guerre ? J’en ai besoin…

Le Gros-bras se tourna vers la médecin. Olivia semblait forte, mais même après tout ce temps, les séquelles n’avaient pas guéri.

Julie, qui en général ne prenait pas part aux conversations du soir, fit une exception :

‒ Je crois que nous avons tous besoin de comprendre pourquoi on a subi ces horreurs. C’est la seule raison qui nous pousse à faire cela. Ne t’en fais pas, on est tous dans le même cas.

Gilles hocha la tête. L’équipage était convaincu qu’aller jusqu’au bout de ce mystère, leur permettrait d’avancer."

Quand Dimitri est arrivé, tu as remarqué tout de suite les traces de malnutrition et de coups, en as-tu fait part à quelqu’un ?

Nous n’avons pas eu besoin d’en parler, tout le monde l’avait remarqué. Nous avons fait de notre mieux pour qu’il se sente à l’aise et pour qu’il puisse en parler. Comme sa mère n’était pas là, il ne risquait plus rien.

Vous avez eu peur qu’il lui arrive quelque chose durant un contrôle de papiers.

J’en avais parlé avec le capitaine, mais il m’avait expliqué qu’il avait l’habitude de ce genre de situation et que Dimitri ne risquait rien à bord du Pourfendeur.

Vous l’avez laissé visiter certaines villes et pas d’autres, pourquoi ?

C’est simple, certaines villes, comme par exemple Pona, ne contrôle que très peu l’identité des gens. Par contre, certaines sont plus strictes et Dimitri risquait vraiment des problèmes.

Tu fais partie des personnes qui discutaient le plus avec Quentin. Il n’aimait vraiment pas travailler sur le Pourfendeur ?

Non, ☺️ il le faisait parce qu’il n’y avait pas d’autres solutions, mais le grand air ne lui convient pas. Il faisait quand même des efforts pour ne pas râler tout le temps, mais on voyait bien que son moral remontait à Vinon.

Pour le moment, personne ne l’a remplacé de manière permanente sur le Pourfendeur, tu penses que c’est dû à quoi ?

Je n’en sais rien. Beaucoup de marins sont embauchés pour un ou deux voyages. Il faut dire que les ronflements de Gilles perturbent pas mal leur sommeil. On travaille parfois avec Xavier quand il a besoin de se déplacer en bateau.

Mel voulait faire installer des cabines, cela devrait contribuer à atténuer un peu le bruit.

Oui, mais ce n’est pas pour tout de suite. L’opération se révèle plus délicate que prévu. Je ne suis même pas sûre qu’il puisse le faire. Les artisans nous ont dit qu’ils pourraient mettre quelques parois, mais la structure n’est pas assez solide pour soutenir des cabines entières. Mais bon, on aura un peu plus d’intimité, c’est déjà ça.

Nous avons parlé de toi avec Christine, vous allez toujours la voir ?

Oui, elle est la fournisseuse officielle des médicaments et du matériel de médecine du Pourfendeur. Je suis très contente de pouvoir rester en contact avec elle.

Elle ne voit que Gilles, Dimitri et Noa, c’est fait exprès ?

Non, en général, Julie et le capitaine sont occupés à chercher des contrats ou de la main-d’œuvre, Louis garde le Pourfendeur, il n’aime pas Mornille, il trouve la cité trop bien rangée, il préfère Jutem 😆, et Suzanne en profite pour se rendre à la bibliothèque et voir ses anciens collègues. Je crois qu’elle espère retrouver une mission comme celle du traité.

Vous revoyez Quentin ?

Quand on le peut, il nous rend souvent visite sur le Pourfendeur, on mange ensemble, on partage encore de bons moments. Les tensions sont redescendues et on est tous content de se revoir.

Le capitaine te confie souvent l’argent ou les objets précieux, tu penses que c’est dû à quoi ?

Je pense que c’est parce que je ne sais pas me défendre et que les autres viennent toujours à mon secours.